DOSSIER:
CONNAÎTRE UN AUTEUR
De nombreux scénarios de ma vie ont déjà été effacés par le temps. En fait, je ne sais pas si ce que j’ai vécu dans mon enfance était réel ou inventé. Il ne reste plus rien de la voie de chemin de fer traversée par le Bou Roig (Taureau Rouge) comme d’une balle ni des grandes roues que remplissaient les marais de fertilité. Au fil des ans, le Grand Casino Buenos Aires, où certaines nuits il y avait des spectacles avec des magiciens qui faisaient des démonstrations d’illusion et des hypnotiseurs qui terrifiaient la peau de l’ignorance, se transforma en une Caisse d’Épargne, une de plus.
Un jour lointain, après avoir joué à la balle dans la rue, j’ai découvert que les mots avaient des ailes et qu’ils me transportaient dans des espaces imaginaires. Chaque fois que j’écris, je me souviens, consciemment ou inconsciemment, de la silhouette de ma grand-mère maternelle, Françoise, dans la chaise berçante, de sa voix chaleureuse, premier lien indestructible avec le monde de la fantaisie. Je pensais aussi qu’au-delà du paysage d’orangers de Bellreguard il n’y avait pas de monde possible, mais j’ai vécu plus tard dans d’autres villes et dans d’autres océans.