LE LANGAGE DE L’ART
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Le langage de l’art est le sens qui perçoit et révèle les élans et les battements d’émotions et de sentiments, tout ce qui pendant un temps est resté invisible et caché aux yeux des autres et se déplace vers la découverte de la conscience qu’ont les personnes de leurs actes par rapport à leur environnement.
Au cœur de la grotte de Lascaux, on tente d’éclaircir les énigmes des peintures en regardant les figures des chevaux qui galopent avec la crinière au vent. L’architecture sacrée en Égypte crée une sensation d’égarement tant les colonnes sont aussi immenses et énormes que l’homme s’y sent infiniment petit.
Le sculpteur grec Phidias, aussi inconnu que renommé, représente l’image de l’Athéna Lemnia, sans armure, son casque à la main, jeune et songeuse, comme la source de la pensée, comme une déesse constructrice de la connaissance et de la civilisation.
A l’époque médiévale, les cathédrales, où régnait la puissance de Dieu, ont une fonction de surveillance et de contrôle. Les pieux artistes de ces époques reflétaient une félicité mystique et invitent à rêver de la joie du ciel pour survivre à tout un monde de souffrances et de catastrophes. L’art de la Renaissance habite seulement dans les palais des nobles et les cours des rois, qui ne renoncent pas à vivre le paradis sur terre.
Chaque culture invente sa propre expérience, sa propre conception de l’art. Toute peinture est une structure qui nous montre l’âme d’un portrait, d’un paysage, de certains mythes, ou croyances, ou d’une architecture urbaine qui a servi de cadre pour refléter une coutume ou raconter un grand événement de l’histoire.
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À notre époque, les panneaux d’affichage, que l’on voit au cœur de la ville, nous annoncent toutes sortes de produits de nécessité et de luxe qui nous offrent et promettent aussi un paradis sur terre. Les villes verticales voulaient gratter le ciel en même temps qu’elles semaient le vertige entre les citoyens. Des maisons ressemblent à des cellules d’une ruche qui laissent à peine entrer la lumière du jour, ce qui implique déjà un certain espace de confinement.
Avec l’apparition de la photographie, émerge un jour l’art impressionniste visant à représenter le caractère éphémère de la lumière et ses effets sur les couleurs et les formes. Puis l’expressionnisme éclate à travers des couleurs violentes et des lignes acérées, en déformant la réalité pour inspirer au spectateur une réaction émotionnelle.
L’abstraction nous plonge dans le langage de l’inconscient, déjà comme une musique qui nous renvoie aux sons du vent ou de la mer, déjà comme un silence qui nous renvoie à une émotion spirituelle ou nous enfonce dans un état de transe. L’art devient alors une lumière avec laquelle on découvre une vérité cachée, qui nous a été refusée depuis le jour de notre naissance.
Aujourd’hui, l’œil qui voit tout est composé de caméras que nous voyons dispersées dans les coins des places, dans les bâtiments des avenues et des portes des grands hôtels et qui remplissent une fonction de protection, mais aussi de surveillance. On plonge dans un monde d’incertitudes et d’intrigues et on essaie d’éviter tout contact comme si l’on craignait la contagion d’un virus ou d’une bactérie.
Au cœur de la ville on peut voir des murs pleins de graffitis et d’étranges calligraphies qui entourent des portes totalement sombres et fissurées dans des lieux abandonnés. Dans les avenues et les rues, on voit des silhouettes avec leurs visages inclinés vers leurs mobiles. On ne regarde que la lumière de nos téléphones mobiles. Surtout, on évite tout contact avec l’autre.
Vraiment on habite dans une époque fluide où tout coule sans cesse, où les élans, les émotions et les sentiments circulent partout, sans que rien ne puisse avoir un support fixe. Le destin de l’art, depuis des siècles, est de rechercher des nouvelles formes de rencontres entre l’homme et son environnement pour prendre conscience que nous sommes nés les uns pour les autres.
Ferran Cremades i Arlandis
Cité Jardin AUSIAS MARCH, Automne 2020